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PORTRAIT D'ALUMNI : BERTRAND TESNIERE ISG 2012 DIRECTEUR GENERAL MAJID AL FUTTAIM

21 novembre 2020 Association
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Florence Delsaux : Bonjour Bertrand, vous êtes sorti de l'ISG en 2012, pouvez vous nous parler de votre parcours depuis ?

 

Bertrand Tesnière :Bonjour Florence,  Courte traversée du désert à ma sortie de l'ISG.

Je ne savais toujours pas ce que je voulais vraiment faire de ma vie.

Juste après ma graduation, j'ai décidé de prendre un travail alimentaire, je comptais ouvrir ma propre entreprise à l'époque, en relation avec les étudiants et écoles de commerce.

6 mois après, j'ai abandonné : levée de fonds trop importante pour démarrer, manque de compétence et d'instinct.

A ce moment j'ai compris le décalage entre mon ambition et ce que j'étais réellement capable de faire, une bonne claque dans la figure.

J'ai quitté mon travail alimentaire de l'époque ; je rangeais une réserve dans un hypermarché (Hyper U).

Avoir un master et continuer ma vie comme ça, il n'en était pas question, mes parents avaient sacrifié trop de choses pour mes études.

Bien décidé à me "relancer" je décidé de fréquenter les salons thématiques autour du travail.

CV à la main, en approche directe, je reprenais espoir.

LIDL me propose de passer plusieurs entretiens, profil grandes écoles, possibilité de me façonner du fait de ma faible expérience professionnelle, ma rage de réussir, l'alignement parfait des planètes.

Je les intègre en 2012, je ne réalisais toujours pas la qualité du package qu'ils m'avaient proposé : 2400 nets, Audi A4 de fonction, j'avais des étoiles dans les yeux.

Le rêve a rapidement laissé place a la réalité, une nouvelle fois.

Responsable réseau, l'intitulé du poste.

Comment arriver à manager des directeurs de magasins avec une expérience proche du néant ?

Pas les épaules, pas le niveau de confiance nécessaire, je prends la porte après 6 mois.

 

Je sentais tout de même que j'approchais de ce que je voulais faire, je reproduis le même schéma : salons à répétition.

 

Carrefour m'embauche en Mai 2013 en tant que Manager Magasin en supermarché.

Je ne reproduis pas les mêmes erreurs que chez Lidl, et l'ambiance est différente, je commence à me sentir à ma place, à me projeter dans la grande distribution, peut être que je pourrais y faire une carrière après tout.

 

Tout se passe bien, j'apprends à manager et je découvre que ce n'est pas simplement dire quoi faire et quand le faire, c'est bien plus que ca.

Je prends confiance en moi et échange régulièrement avec le directeur qui, pas à pas me donne un peu plus de liberté.

 

Deux ans après, je me renseigne sur les possibilités d'évolution, quoi faire et comment le faire pour accéder à l'échelon supérieur.

Réponse laconique : "Tu sais Bertrand, ce sera dans 5 ans environ.."

Je "freeze", "Pourquoi autant de temps ? Je pourrais être prêt avant !"

"Les gens gardent leur poste très longtemps en France et l'absence de développement réduit les opportunités"

 

Brutal, mais vrai.

Claque numéro 2.

 

L'expérience à l'ISG et les 6 mois à l'étranger m'ont appris quelque chose sur moi : j'aime parler d'autres langues et les échanges culturels, pourquoi pas quitter la France ?

 

Je cherche, puis trouve : ce sera Dubai, toujours pour Carrefour mais sous forme de franchise détenue par le grand groupe emirati Majid Al Futtaim.

 

Je signe mon contrat : le salaire de la France multiplie par 2, couverture médicale et je monte un échelon hiérarchique, je deviens directeur de supermarché.

 

Beaucoup de français là-bas, je prends mes marques rapidement et gère l'absence familiale et amicale en faisant de nouvelles rencontres et en m'occupant l'esprit au maximum.

 

Je reste 2 ans et cela se passe très bien, je rentre en France tous les 6 mois pour recharger les batteries et repart de plus belle.

A chaque rentrée, mon niveau d'anglais s'améliore, et d'arabe, avec quelques notions suffisantes pour générer un sourire chez mes interlocuteurs.

 

Le groupe me demande de partir au Koweit pour une mission temporaire avec l'acquisition du groupe Geant.

Voir plus de choses et un pays que je ne connais pas "J'y vais !"

 

Au final, le top management du Koweit me propose de rester pour continuer mon travail en magasin et j'accepte.

Là, je fais des rencontres d'un autre niveau et je commence à fréquenter des employés avec des positions plus importantes régulièrement : chef pays, chef marchandise pays, opération manager..

Ça, ça fait une grosse différence dans une carrière, on écoute, on note, on essaye de comprendre le fonctionnement de leur cerveau, leur analyse.

C'est dans ce pays que j'ai rencontré celui qui sera et est toujours mon "mentor".

 

Bref, après un an au Koweit et une stabilisation du centre de profit on me donne l'opportunité de partir au Kenya.

Dans un magasin plus grand, plus important, avec plus de pression.

 

Challenge accepted, again !

 

Je passe du supermarché à l'hypermarché, en tant que chef de département frais.

Mon "mentor" se retrouve dans le même magasin en tant que directeur, situation idéale pour progresser.

1 an après, je suis promus directeur d'hypermarché : 160 personnes sous ma responsabilité directe, chiffre d'affaire annuel de plusieurs millions de dollars, droit à l'erreur très limité.

 

Je suis toujours à ce poste à l'heure actuelle et ne regrette pas du tout d'avoir choisi la grande distribution !

 

FD :Quels sont les enjeux que vous voyez pour votre métier? 

BT : Les enjeux de mon métier sont multiples :

- Premier de tous : être capable d'être multi compétent.

Je considère qu'on doit être "généraliste de tout, spécialiste de rien".

Un directeur a besoin des connaissances globales des différents domaines du magasin, pour effectuer ses contrôles.

Dans un magasin, au bas mot, vous avez une dizaine de domaines dans lesquels vous devez avoir assez de connaissances pour être capable de contrôler celui ou celle en charge dans votre business unit.

Hygiène, Maintenance, IT, Finance, Management, Gestion de caisse, Commercial, Réception de marchandises, Sécurité, Ressources Humaines, sont autant de domaines dans lesquels vous devez performer et être capable de former.

 

- Deuxième enjeu, le contrôle de soi.

Les gestes et décisions d'un directeur sont toujours observés et commentés par les employés, il faut toujours savoir pourquoi on prend une décision et l'expliquer si besoin est, à tout le monde, si besoin est.

Du coup, avant de prendre une décision importante, il faut être capable de se contrôler, refaire le raisonnement seul pour savoir si la décision est bonne.

Ensuite, le contrôle de soi dans la gestion de crise : attaque terroriste, contamination alimentaire, visite de journalistes à organiser.. Des situations variées qui vous poussent dans vos retranchements en termes de gestion de stress, lucidité.

La grande distribution vous amène toujours dans des situations auxquelles vous n'étiez pas forcement préparé, ce qui vous amène à développer des compétences que vous ne soupçonniez pas.

 

- Dernier enjeu. L'exigence.

L'exigence dans le travail a une place primordiale : on travaille avec de la nourriture que nos clients mangent, on a pas le droit à l'erreur.

Quotidiennement, il faut toujours placer la barre très haut pour les clients du magasin, c'est un gage de réussite selon moi.

Exigeant avec les autres, mais avant tout avec soi-même.

 

FD : Quels sont les enjeux et les choses essentielles dont il faut tenir compte quand on travaille en Afrique? Et comment voyez-vous l'avenir et les perspectives?

 

BT: Pour ce qui est de l'Afrique, on se trompe de toute façon.

90% de la vision de l'Afrique en Europe est biaisée, on s'en rend compte quand on vit un peu ici.

Je trouve l'européen assez condescendant sur le sujet, ça me frappe de plus en plus quand je rentre en France.

En terme de travail, la culture n'est pas si différente de l'Europe : le droit du travail au Kenya protège vraiment bien les employés, l'encadrement légal garantit des salaires minimums aux employés et permet de contrôler le temps de travail.

 

Après il y a un énorme respect de la hiérarchie.

Anecdote : Si on célèbre quelque chose au travail et que l'on décide de manger tous ensemble, les employés serviront toujours le directeur en premier.

C'est là où c'est difficile, moi je préfère être servi en dernier, mais si je refuse, je peux aussi les vexer..

Ces genre de situations culturelles sont difficiles à anticiper car elles se pressentent au moment ou vous vous y attendiez le moins.

 Concernant l'avenir du Kenya, je le trouve très prometteur, le pays a bien résisté au COVID 19 en terme économique et la croissance était toujours là.

Avec son port (Mombasa), le Kenya offre un hub important sur l'Est de l'Afrique et d'autres pays en développement.

Je pense que les 10 prochaines années vont être synonymes de développement pour le pays et que globalement, les infrastructures vont s'améliorer.

La Chine investit également énormément dans le pays.

 

FD ; Quels conseils auriez-vous pour les étudiants actuels de l'ISG?

BT : Rien ne sera jamais acquis, rien ne sera jamais perdu d'avance.

Faites bien la différence entre vouloir quelque chose et le vouloir VRAIMENT.

Ne jugez pas sur une couleur de peau ou sur une religion, cela vous ferait rater de nombreuses opportunités, avant que je parte à Dubaî, des gens m'avaient dit de ne pas y aller, que c'était dangereux, qu'on me couperait la tête, etc..

5 ans après, j'ai atteint un niveau de salaire que je n'aurais jamais eu en France à mon âge.

Merci Bertrand! 

L'équipe ISG Alumni

 

 

 

 




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